
À faire à Minorque : plages secrètes et randonnées incontournables
Minorque, l’île haletante où le silence cache mille trésors
Il y a des endroits qui, sans faire de bruit, vous happent toute entière. Minorque, l’île la plus discrète des Baléares, m’a cueillie comme un matin d’été sans alarme. Son charme est moins clinquant que celui d’Ibiza, plus secret que celui de Majorque. C’est une île qui se mérite, qui ne se donne pas au premier baiser, mais qui, une fois apprivoisée, vous fait une place dans son sein rocheux et salé. Entre plages dissimulées aux courbes blondes et sentiers de randonnée qui vous brisent les jambes autant qu’ils vous caressent l’âme, Minorque est une respiration profonde, un soupir de vent dans les mèches collées au sel.
Cala Escorxada : l’épure sauvage, au bout de l’effort
C’est un nom qu’on prononce du bout des lèvres, comme un secret glissé dans une ruelle sombre. Cala Escorxada. Pas de route goudronnée, pas de bar à mojito, rien d’autre qu’un cri de mouette et le crissement de vos pas dans le sable brûlé. Pour y accéder, il faut marcher, transpirer, s’accrocher aux pins tordus que le vent n’a jamais laissés tranquilles. Environ 45 minutes de randonnée depuis la plage de Santo Tomás, plus si vous rêvassez – et vous rêvasserez.
Mais au bout ? Une crique d’un autre monde. L’eau, turquoise au-delà du raisonnable, semble s’étirer loin vers l’Afrique. Les falaises jouent à cache-cache avec le ressac, et il n’est pas rare de n’y croiser personne, même en juillet. Le maillot devient superflu. Ici, on retrouve la peau nue du monde, celle que personne ne pense encore à balafrer.
Le Camí de Cavalls : un sentier, mille visages
C’est l’épine dorsale de Minorque, un sentier ancestral de plus de 180 km qui fait le tour de l’île. Jadis utilisé pour protéger le territoire, le Camí de Cavalls est aujourd’hui un cadeau pour les randonneurs en manque de frissons bruts. On peut le parcourir en entier – avis aux fous de défis – ou par morceaux, comme on grignote un souvenir.
Je me souviens d’un tronçon à couper le souffle, entre Cala Morell et Punta Nati. Le vent venait s’écraser contre mes paupières, et le cri des goélands se mêlait aux battements de mon cœur. Là-bas, la terre est pelée, aride, mais belle dans sa lente agonie minérale. Chaque pas sur ces pierres rugueuses vous reconnecte à quelque chose d’oublié : l’effort, la lenteur, le silence.
Macarella et Macarelleta : les sœurs rivales
Elles sont jolies, presque trop. Macarella, la grande sœur imposante avec son bar de plage et ses familles à tuba. Macarelleta, la petite, plus secrète, plus farouche. On y accède en marchant quelques minutes le long d’un sentier escarpé, bordé de pins ombrageux et d’arômes de thym sauvage.
Un après-midi d’août, j’y ai vu un couple danser dans l’eau, comme s’ils avaient oublié qu’ils existaient ailleurs qu’ici. Des poissons glissaient entre leurs pieds, des enfants riaient dans les falaises en écho, et moi, lovée contre le sable, je me suis dit que certains lieux ressemblent à des souvenirs déjà prêts.
Monte Toro : un sommet modeste pour des vues infinies
Avec ses 358 mètres (pas de quoi affoler un alpiniste), le Monte Toro est néanmoins le point culminant de Minorque. Tout autour, l’île se déploie comme une carte froissée que le vent aurait caressée mille fois. Par temps clair, on dit qu’on peut même apercevoir Majorque, là-bas, comme une ombre verte sur l’horizon.
C’est aussi un lieu empreint de spiritualité. Un sanctuaire sobre, une Vierge silencieuse, et des cyclistes qui arrivent là-haut en quête de lignes d’arrivée intimes. J’y ai bu l’une de mes meilleures cervezas, le coude sur une balustrade, le regard en vrac, et cette sensation étrange que le monde, pour une fois, me tournait autour.
S’Albufera des Grau : la Minorque des oiseaux
On oublie trop souvent que Minorque, c’est aussi une réserve de biosphère classée par l’UNESCO. Et à S’Albufera des Grau, la nature n’offre aucun filtre Instagram. Elle est brute, mélancolique et vibrante à la fois. Ici, on n’entend que le bruissement des roseaux, le souffle des hérons et le clapotement discret de l’eau douce mêlée à la mer. Une balade dans ce parc naturel, c’est l’équivalent d’un massage sensoriel. Les chemins, peu fréquentés, bordent des lagunes paisibles, idéales pour l’observation des oiseaux.
N’oubliez pas vos jumelles. J’ai vu passer un balbuzard pêcheur, comme un présage. C’était un matin aux draps laiteux, et j’ai pleuré sans trop savoir pourquoi. Peut-être parce que, parfois, la beauté ne se contrôle pas.
Favàritx : le phare d’un autre monde
Favàritx n’appartient à personne. Ce coin nord-est de l’île semble échapper aux repères terrestres. Les falaises noires, tranchantes comme des lames de schiste, contrastent avec la blancheur obsédante du phare. Le vent y hurle, constamment, comme s’il n’avait jamais appris à se taire.
En arrivant à Favàritx, j’ai ôté mes chaussures. Le sol semblait vivant, pulsant sous mes pieds comme un vieux cœur palpitant. On peut s’installer là, en contrebas du phare, et regarder l’écume gifler les rochers. Certains appellent ça le bout du monde. Moi, j’y ai surtout trouvé un début.
Conseils pour l’île, précieux détails glanés entre deux vagues
- Transport : Louez une voiture, un scooter ou même un vélo si vous avez l’âme solide. Les transports en commun sont rares et peu pratiques pour explorer les criques reculées.
- Période idéale : Mai, juin et septembre sont des mois où l’île respire encore calmement. Juillet et août attirent plus de monde, mais les plages restent moins envahies qu’ailleurs.
- Hydratation : Prenez toujours une gourde. Entre les marches et la chaleur sèche, on se transforme vite en pruneau ambulant.
- Respect : Certaines criques sont nudistes et toutes sont sauvages. Laissez-les vierges de vos déchets et pleines de vos murmures.
Minorque, cette amante qui ne vous quitte jamais
Il y a quelque chose de méditatif à arpenter Minorque. Un genre de poésie sans rimes, faite de sel, de vent et de roche. Chaque plage cache une confidence, chaque sentier une initiation. On en revient différent, changé au détour d’une crique ou d’une montée sablonneuse. On y laisse parfois des certitudes, on y gagne des frissons.
Alors si un jour, dans le tumulte du quotidien, une brise salée vous pince le nez, sachez-le : Minorque se souvient de vous. Elle vous attend, farouche et tendre à la fois. Une île qui ne s’offre qu’à ceux qui cherchent quelque chose… sans trop savoir quoi.