
À faire à Lanzarote : plages lunaires et villages pittoresques
J’ai posé le pied sur Lanzarote une veille de pleine lune, l’air chargé d’un vent chaud, un peu râpeux, presque animal. On raconte que cette île est née de la colère des volcans… Et je jure que dès les premiers pas, on sent battre sous le sol la mémoire brûlante de la lave. Lanzarote, la plus indomptée des Canaries, ne se livre pas sans résistance. Il faut du temps, quelques égratignures, et un soupçon d’abandon pour se laisser happer par ses plages lunaires, ses criques secrètes, et ses villages figés dans la blancheur. Alors si tu veux une escapade où l’authenticité racle un peu sous les ongles, suis-moi. Voici ce qu’il y a à faire, à sentir, à embrasser à Lanzarote. Avec ou sans chaussures.
S’aventurer sur les plages extra-terrestres : entre lave noire et sable blond
On ne vient pas à Lanzarote pour bronzer sur un transat en plastique sous une musique d’ascenseur. Non. Ici, la mer s’écrase sur des falaises volcaniques comme un tambour de guerre, et les plages n’ont jamais appris à se laisser dompter.
La première à m’avoir coupé le souffle, c’est Playa de Papagayo. Une crique dorée cachée parmi les roches ocres du sud, accessible après cinq bons kilomètres de piste cabossée. Une récompense pour ceux qui osent remuer un peu la poussière. L’eau y est turquoise, douce, presque sirupeuse, tandis que le sable, caressant et chaud, semble murmurer des souvenirs africains, tout proches à quelques centaines de kilomètres à peine.
À l’opposé, il y a Playa del Janubio. Morne, noire, indomptée. C’est une langue de sable volcanique, baignée par des vagues furieuses. On s’y sent minuscule. J’y ai marché pieds nus jusqu’aux genoux dans les grains brûlants, me demandant à chaque pas si j’étais dans un rêve ou sur une autre planète.
Pour les surfeurs – ou les spectateurs avides de belles chutes – direction Famara, la plage des vents. Là-bas, les kites comme les boards dessinent des arabesques dans le ciel, tandis que derrière les falaises du Risco de Famara se dresse une muraille rocheuse mystique. J’y ai trouvé un vieux bar en bois qui proposait du mojo verde avec de la bière locale : un bonheur simple après le tumulte salé des vagues.
Arpenter les villages immobiles : blanc sur noir, silence sur vent
Ce que Lanzarote fait de mieux, c’est vous cueillir là où vous ne l’attendiez pas. Oui, ses paysages volcaniques fascinent, mais ce sont ses villages figés dans une esthétique presque surannée qui racontent les plus belles histoires.
Commence par Haría, le village des mille palmiers. Niché dans une vallée verdoyante (oui, même ici, la chlorophylle résiste), c’est un endroit paisible, avec ses rues pavées, ses murs chaulés et ses bougainvilliers outrageusement roses. On y sent une poésie lente, délibérément démodée. Le marché du samedi y est une véritable invitation à flâner : miel de cactus, fromage de chèvre, figues sèches. Je suis repartie avec un chapeau que je ne porterais jamais à Paris, mais qui avait ce truc en plus : l’odeur du soleil.
Teguise, ancienne capitale de l’île, pousse le charme un peu plus loin. Ruelles sauvagement photogéniques, églises silencieuses, patios secrets. Si vous avez le goût du linge qui sèche sur les cordes, des volets entrouverts et du silence peuplé de cigales, ce sera un coup de cœur.
Et puis, il y a Yaiza, probablement le village le plus photogénique de l’île. Tout est symétrie, blancheur, contraste avec la terre noire. C’est trop parfait pour être honnête, et pourtant, ça fonctionne. J’y ai dégusté un pescado a la plancha dans une taverne tenue par une vieille dame au regard rieur. Le poisson avait été pêché le matin-même, m’avait-elle dit. Et je l’ai cru, parce que certaines vérités n’ont pas besoin d’être prouvées.
Explorer les entrailles volcaniques : Lanzarote côté obscur
On dit que César Manrique, artiste et prophète local, a façonné le visage de Lanzarote avec l’humilité d’un amoureux de la terre. Et nulle part il n’a su mieux fusionner l’art et le paysage que dans les entrailles de ses volcans.
Jameos del Agua est un miracle de théâtre souterrain : une grotte naturelle métamorphosée par Manrique en lieu mystique. On y découvre un lac souterrain peuplé de crabes albinos, secrets et fantomatiques. Imagine un concert de harpe dans cet antre minéral. Le genre de moment suspendu où l’on oublie soi-même sa propre respiration.
La Cueva de los Verdes, quant à elle, est un labyrinthe de roche formé il y a des milliers d’années. On s’enfonce dans un tunnel de lave, guidé par un jeu d’ombres et de lumière savamment mis en scène. Un endroit taiseux, solennel, presque religieux. Il paraît qu’à l’intérieur, un secret vous attend… Je ne vous le dévoilerai pas, évidemment. Certaines énigmes méritent d’être vécues, pas racontées.
Se perdre dans le parc de Timanfaya : marcher où la Terre brûle encore
J’ai encore du mal à croire que ce paysage existe. Des centaines de cônes volcaniques, rouges, noirs, ocres, s’étendent à perte de vue. C’est le Parque Nacional de Timanfaya, et même ton GPS y perdrait ses repères.
On n’y marche pas librement – trop fragile, trop sacré. Mais les visites guidées valent le détour. À bord d’un bus aux vitres immaculées (encore faut-il s’en foutre de la buée causée par nos souffles ébahis), on traverse des champs de lave figés comme des vagues pétrifiées. Un guide raconte que la dernière éruption date de 1824. Moi, je sentais pourtant la chaleur monter du sol comme le soupir d’une bête endormie.
Arrêtez-vous au El Diablo, restaurant conçu par Manrique. Ici, on grille la viande directement sur la chaleur volcanique. Oui, vous avez bien lu. Un barbecue géothermique. C’est tout aussi fou que ça en a l’air, et absolument délicieux.
Flâner entre vignes et volcans : oui, il y a du vin ici, et il est bon
Ce que je n’avais pas vu venir, c’est ce pincement au cœur en découvrant la vallée de La Geria. Imaginez un désert de cendre noire, parsemé de milliers de petits cratères, chacun protégé par un muret de pierre. Dans chaque trou, une vigne rustique tente de survivre, et elle y parvient avec grâce.
Le vin produit ici, en particulier le Malvasía, a le goût du feu et du sel. Un vin blanc sec, parfois doux, parfois piquant, comme les journées passées au soleil. Les bodegas se succèdent le long de routes sinueuses, et aucune ne se ressemble. Ma préférée ? Bodega Rubicón, pour son ambiance un peu décadente, ses murs d’un blanc écorché et son patio où le temps semble s’étirer avec paresse.
On vous dira que le vin ici est un miracle. En réalité, c’est le fruit d’une obstination farouche. Et quand vous goûterez un verre en regardant les volcans fantomatiques dans le lointain, vous comprendrez pourquoi chacun a mérité sa gorgée.
Lanzarote, cette île qui ne veut pas plaire à tout le monde (et c’est parfait comme ça)
Lanzarote n’est pas l’île des palmiers Photoshop et des cocktails kitsch. Elle gratte un peu. Elle bouscule vos attentes. Mais si vous aimez l’extraordinaire, si vous rêvez de paysages qui semblent murmurer des secrets volcaniques, de villages intemporels et de silences habités, alors elle vous accueillera à bras ouverts.
Ne venez pas avec vos certitudes, laissez-les sur le tarmac. Mettez dans votre sac une bonne dose d’émerveillement, l’appétit pour l’inattendu, et une paire de chaussures qui n’a pas peur de la poussière. Le reste ? Vous le trouverez là-bas. Ou peut-être serez-vous trouvé, qui sait ?