
Camping-car Roumanie : itinéraire féérique entre montagnes et villages médiévaux
Sur les routes sauvages de Transylvanie
Ça commence toujours un peu comme ça. Une carte froissée sur le siège passager, une odeur de café infusé sur un réchaud bringuebalant, et ce frisson particulier qui grimpe le long de l’épine dorsale quand les montagnes commencent à dessiner leurs courbes à l’horizon.
La Roumanie, je l’ai longtemps regardée comme une promesse. Celle d’une Europe oubliée, aux forêts profondes et aux villages suspendus dans le temps, où les églises tiennent debout depuis huit siècles et où les chiens errants vous tiennent compagnie sans demander votre avis. Et puis un jour, j’ai tourné la clé dans le contact d’un vieux fourgon aménagé et j’ai suivi les routes cabossées d’un pays envoûtant, entre Carpates embrumées et légendes médiévales.
Pourquoi la Roumanie en camping-car ?
Parce qu’ici, la liberté se conjugue à chaque virage. Pas besoin de réserver trois mois à l’avance, ni de suivre une file de camping-cars en mode sardines sur la Côte d’Azur… En Roumanie, les espaces sont grands, les lois sur le bivouac sont souples (tant qu’on respecte la nature et les locaux), et les paysages ont ce goût brut que le tourisme de masse n’a pas encore dilué.
Le camping-car devient compagnon, refuge et boussole. Il permet de serpenter sans attaches entre villages saxons et montagnes glaciaires, de s’endormir au bord d’un lac sans nom et de se réveiller face aux clochers pointus de Sighișoara baignée de brume. C’est l’idéal pour les cœurs nomades et les âmes un peu rebelles.
Les essentiels avant de partir
- Période idéale : De mai à octobre. L’hiver peut être rude et certains cols restent impraticables.
- Formalités : Pour les Européens, une carte d’identité suffit. La vignette autoroutière (rovignette) est obligatoire mais s’achète facilement aux postes frontières ou en ligne.
- Routes : Disons… pittoresques. Attendez-vous à des nids-de-poule et des chemins de terre. Le 4×4 n’est pas une honte ici.
- Essence : Moins chère qu’en France, les stations sont fréquentes, hormis dans les montagnes profondes.
- Applications utiles : Park4Night, Maps.me, iOverlander.
Et comme toujours, un sourire, quelques mots en roumain et une bonne dose d’humilité ouvriront plus de portes que n’importe quelle app.
Itinéraire féérique à travers montagnes et siècles passés
Voici une boucle d’une dizaine de jours, modulable selon l’envie, qui vous fera traverser les plus beaux trésors du cœur roumain.
Brașov – Premier frisson dans les Carpates
Une ville entourée de collines boisées où l’ancien se mêle au vibrant. Brașov est l’entrée royale vers la Transylvanie. C’est là que commence le murmure des forêts et le chant des légendes. Se garer près de la forêt de Tampa, grimper jusqu’à la Citadelle pour dominer les toits rouges, et se perdre dans les ruelles colorées. Ne manquez pas l’Église Noire, imposante et impassible, ni un kürtőskalács brûlant acheté à un stand ambulant.
Vous pourrez passer la nuit à Poiana Brașov, la station voisine, enveloppée de pins et de fraîcheur. Les bivouacs discrets y sont tolérés si l’on reste propre et respectueux.
Route de Transfăgărașan – Une bande d’asphalte céleste
Certains disent que c’est la route la plus spectaculaire d’Europe. Je ne les contredirai pas. Nichée entre les montagnes Făgăraș, cette route serpente comme un serpent de feu, franchissant lacs glaciaires et tunnels vertigineux. Le col de Bâlea vous offrira un bivouac inoubliable à 2 000 mètres, entre silence glacé et étoiles en cascade. Prévoyez une nuit là-haut, emmitouflé sous la couette pendant que le vent frappe les parois du fourgon.
Sibiu – Le charme discret aux yeux levés
Sibiu, c’est un bijou. Pas criard, ni clinquant. Juste… parfait. On y entre comme dans un roman de Stefan Zweig, entre cafés vieillots, ruelles pavées et toits qui vous observent littéralement (oui, ces lucarnes en forme d’yeux sont bien réels !).
Stop obligatoire devant la Place Grande (Piața Mare), la tour du Conseil et les remparts médiévaux. Dormir ici peut être plus délicat ; un camping proche peut être une bonne option pour refaire les pleins et les vides.
Villages saxons – L’écho des siècles
Biertan, Viscri, Mălâncrav… Ces noms ne vous disent peut-être rien, mais leurs âmes résonneront longtemps en vous. Ces villages sont figés dans le temps. Les forteresses paysannes, les potagers fleuris et les cigognes sur les toits y tissent une tranquillité perdue. Loin de tout, sauf du cœur.
À Viscri, on peut rencontrer des artisans du cuir ou des fromagers à vélo, se balader sur des chemins de terre avec les chevaux, et goûter à une bière brassée sur place. L’accueil y est sincère. Si vous cherchez l’authentique, arrêtez-vous ici. Le camping sauvage est discret mais possible. Les locaux apprécieront un simple “Bună ziua” et un sourire.
Sighișoara – Une carte postale médiévale
Peu de villes peuvent prétendre avoir conservé intacte leur citadelle habitée… Sighișoara en fait partie. C’est la ville natale supposée de Vlad l’Empaleur, inspiration ambigüe du célèbre Dracula.
Grimpez jusqu’à la tour de l’horloge, laissez-vous porter par les ruelles pavées aux maisons pastel, et écoutez le silence sourd des pierres chargées de mémoire. La nuit, c’est la pleine lune qui éclaire les flèches, faisant naître des ombres qui vous racontent des histoires à demi-mots.
Bivouaquer sans trahir la terre
Bivouaquer en Roumanie reste relativement libre, mais le respect est la seule règle d’or. Évitez les propriétés privées, respectez les forêts (les ours ne sont pas anecdotiques ici, surtout en Transylvanie), et laissez les lieux plus propres que vous ne les avez trouvés. Certaines zones protégées comme les parcs nationaux demandent plus de rigueur : renseignez-vous localement.
Quant aux services (eau, vidange, électricité), on les trouve dans les grandes villes et dans quelques campings, mais mieux vaut être autonome durant 3-4 jours. La flexibilité est la clef de ce voyage.
Rencontres et imprévus : la Roumanie sincère
Une vieille qui vous vend des prunes au bord d’un sentier, un berger qui vous apprend à dire « merci » en moldave en échange d’un peu de pain, des gamins curieux courant autour de votre van comme autour d’un vaisseau spatial… En Roumanie, la vie n’est ni lisse ni polie. Elle est brute, vivante, parfois rugueuse. Elle s’invite à vos côtés sans taper à la porte, et c’est là tout son charme.
Un soir au bord du lac Colibița, je m’étais arrêtée presque par hasard. Le ciel s’est mis à pleuvoir des étoiles filantes pendant que le bois crépitait sous mes pieds nus. Le genre de moment qu’aucune story Instagram ne pourra jamais restituer.
Roumanie, tu es restée libre
C’est peut-être ça qui touche tant en Roumanie. Une impression de liberté non marketée. Une beauté sans artifices. On y voyage comme on dort dans une cabane : un peu en équilibre, un peu remis à demain, mais toujours avec le cœur à vif.
Alors oui, la route vous secouera, certains lieux seront fermés, il fera chaud, il fera froid, la pluie tapera fort sur le toit du camping-car. Mais vous ne reviendrez jamais tout à fait les mêmes.
Sous la boue, les cloîtres, les chemins oubliés, les regards francs et les forêts profondes : la Roumanie, en camping-car, c’est une ode aux voyageurs qui aiment sentir battre un pays sous leurs roues.
Alors, vous laissez le moteur tourner ?